Ka Kréyòl kréyòlman yé ? ou le devoir d'humilité

granpapoo
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Re: Ka Kréyòl kréyòlman yé ? ou le devoir d'humilité

Message par granpapoo »

Grâce à une nouvelle série de messages j'expliquerai ultérieurement comment nous pouvons, tous ensemble, promouvoir et développer notre langue.
Men jòdijou sa mwen té lé fè sé di : "Mèsi".
Mèsi ba Potomitan.
Mèsi ba sé moun an ki li sé mésaj tala.
Mèsi ba tout sé kréyòlis la ki yo dakò ki yo pa dakò épi mwen.

Je sais que les forces de divisions sont nombreuses et variées.
Je sais que, comme d'habitude, nous sommes dans la tourmente.
Mais l'école du créole est une école d'unité, d'humanité et d'humilité.

Tjenbé rèd pa jen moli, frè !
granpapoo
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Re: Ka Kréyòl kréyòlman yé ? ou le devoir d'humilité

Message par granpapoo »

Il est facile d'affirmer après la brillante démonstration de Michel Degraff que l'exceptionnalisme créole est hors sujet.
Mais qu'en est-il de la part positive de notre discours ?
Que dire, en effet, à l' âge classique, du lecte clérical/colonial et du lecte servile/colonial ?

You know what ? You have to look after two kinds of African American traditional musics :
[*]Negro Spiritual (for example "Go down Moses" of Louis Armstrong) and
[*]Work Songs (for example "Hoe Emma Hoe")
And if you agree to transpose, it's very easy to note that :
[*]Negro Spiritual matches with the colonial/clerical lect and
[*]Work Songs match with the colonial/servile lect.[/color]
Très bien, me direz-vous, mais retrouve-t-on cette dichotomie dans les langues créoles ? Et la réponse est "Oui" !
Comment le démontrer ?
Premièrement, grâce aux Guadeloupéens : Pendant la période de Noël, en effet, les gens chantent volontiers des cantiques qui ne sont pas n'importe quels cantiques mais des chants traditionnels. On appelle cela le "Chanté Nwèl". Je sais, vous allez me dire qu'on fait la même chose en Martinique , en Guyane ou en Haïti. Je sais mais revenons si vous l'acceptez aux Guadeloupéens : Nous pouvons dire qu'ici le registre du Negro Spiritual s'exprime notamment sous la forme du "Chanté Nwèl". Nous pouvons aussi noter que dans la musique dite de Gwoka nous avons sept rythmes et parmi eux nous en avons trois qui relèvent de ce que nous pourrions appeler les Work Songs guadeloupéens : le "Graj", le "Woulé" et le "Padjanbèl". Ces trois rythmes sont des rythmes de travail.
Deuxièmement, grâce aux Guadeloupéens
et aux Guyanais, autrement dit au vouvoiement et au tutoiement.
Les clercs utilisaient volontiers le vouvoiement : "Je vous salue Marie, Mère de Dieu, vous êtes bénie d'entre toutes les femmes..."
Les commandeurs, eux, utilisaient facilement le tutoiement. (C'est logique puisque le commandeur était un "Noir" parmi les "Noirs".)
Sous les tropiques du "français créole" un lecte colonial était soit

[*] un lecte de tutoiement soit
[*] un lecte de vouvoiement.
Autrement dit, (si nos remarques sont justes) soit
[*] un lecte servile/colonial de tutoiement soit
[*] un lecte clérical/colonial de vouvoiement.
Dans le français contemporain la liste des pronoms personnels sujets est "je, tu, il (elle), nous, vous, ils(elles)" alors que dans les lectes coloniaux on utilisait l'équivalent de
[*]"moi, toi, lui, nous, vous, eux" en ce qui concerne le lecte de tutoiement
[*]"moi, vous, lui, nous autres, vous autres, eux autres" en ce qui concerne le lecte de vouvoiement[/color]
Sauf que "oi" se prononçait "oé"(diphtongue) ou "wé"(monophtongue)
Ce qui donne

[*]"moé, toé, lui, nou, vou, eu" pour le commandeur et
[*]"mwé, vou, lui, nou, vou zòtr', eu" pour le prêtre.[/color]
Que nous pouvons comparer aisément avec
[*]"mo, to, li(/i), nou, zòt , ye" pour le créole guyanais et
[*]"mwen(/an), vou(/ou/w), i/y, nou, zòt(/zò), yo" pour le créole guadeloupéen[/color]
Facile, me direz-vous, de comparer le créole guyanais et le créole guadeloupéen mais qu'en est-il des autres créoles ?
Nous pouvons les classer en trois catégories :
1. les créoles issus du tutoiement comme le guyanais et le mauricien
2. les créoles issus du vouvoiement comme le martiniquais, le guadeloupéen, le saint-lucien, le haïtien et le seychellois
3. les créoles issus du tutoiement et du vouvoiement comme le réunionnais

Konnouyélaa nou pé di konsa : An tan lontan té ni dé lèk "avankréyòl" :
[*] lèk koumandè a èk
[*] lèk kiré a.[/color]
Mais attention, la fusion de ces deux lectes, augmentée de l'influence du français créole, ne nous donne pas le créole mais le protocréole. Pourquoi ? Parce que le créole est une langue de négritude pas de servitude ! N'allons donc pas trop vite en besogne.
D'autre part, tous les créoles ont eu un lecte de vouvoiement et un lecte de tutoiement. Lors de la fusion, souvent, l'un des deux lectes a pris le dessus pour des raisons qu'il nous faudra expliciter, plus tard. Chacun aura compris qu' à aucun moment je n'ai voulu dire qu'il fallait "vouvoyer" les Guadeloupéens et "tutoyer" les Guyanais ! J'ai juste voulu en tant que Martiniquais saluer les soeurs et frères Guadeloupéen(ne)s ainsi que les soeurs et frères Guyanai(se)s. A elles et eux tou(te)s "Honneur et Respect" !
Pour l'instant il faut rester prudent et humble. Cette démonstration ne prétend à rien d'autre qu'à faire avancer notre compréhension de nous-mêmes. C'est tout !
granpapoo
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Re: Ka Kréyòl kréyòlman yé ? ou le devoir d'humilité

Message par granpapoo »

L'heure est venue, à présent, d'expliquer comment s'opéra la fusion des lectes coloniaux. Sur les habitations de la Martinique et plus tard sur les plantations, elle fut associée à des circonstances à la fois tragiques et, paradoxalement, favorables.
Fodra nou sonjé, magrésa, lakanpay anlo nèg téka mò toulongalé difèt yo téka pran twòp fè, difèt tjè yo té brisé menm, difèt tout kalté maladi téka anni tonbé anlè yo pou tjé yo. Men lanmò téka blijé moun fè sérémonni rélijièz. Ek sa ki pli enpòtan parapòt a kréyòl la mi li m : Pèsonn pa té pé baré wout sé èsklav la, pèsonn pa té pé tèdi yo rann omaj ba an mò !
De sorte que la veillée mortuaire, et tout particulièrement la veillée mortuaire en milieu agricole, autorisait linguistiquement ce que le système interdisait. Elle rassemblait les Noirs et leur permettait d'exprimer leurs sentiments relativement au défunt et donc elle ouvrait un espace de parole, un espace de créolité, un espace qui permettait de réconcilier la langue du travail et celle de la prière.
"Libera pa fèt pou chen". Té ni lanmò èk té ni lavi konsidiré adan an téyat.
Et, je profite du langage du théâtre pour parler du "in" et du "off" : Le "in" étant consacré au défunt et le "off" étant animé par les conteurs, les danseurs, les maîtres de l'oraliture, de l'art de dire et d'exprimer corporellement, vocalement compris, soutenu par des symboles ou des musiques. En Martinique, nous avons un mot magique pour dire cette oraliture : "Majolay"
Voilà pourquoi une académie française est une façon de réguler la langue à partir de sa grande littérature alors qu'une académie créole est d'abord une façon de réguler sa langue par rapport à sa petite oraliture : ses proverbes, ses contes, ses chansons, ses interviews, ses reportages, ses courts métrages, ses articles militants ou ses prières et ses cantiques, voire ses mots (oui tout simplement ses mots !) Il ne s'agit pas, bien évidemment, d'enfermer le créole dans "la petite oraliture" mais d'en reconnaître le rôle fondamental.
Sa ki natifnatal, sa ki fondalnatal, mi sa ki kréyòlman kréyòl. Alòs ka kréyòl kréyòlman yé ? Nou téké pé réponn : "Mi sa i yé wi !" Men nou téké bliyé zafè a répondè. Ni dé bagay nou pou konprann : Jan lavwa ka bay èk mannyè sé répondè a ka réponn li.
Je me souviens du temps déjà révolu où l'on se demandait s'il fallait écrire le créole de façon "étymologique" ou de façon "phonologique". Dans d'autres cultures des spécialistes auraient décidé pour le peuple mais chez nous c'est le peuple qui a décidé d'écrire de façon phonologique. Ce mouvement de bascule entre les linguistes et les locuteurs est caractéristique de la manière créole d'avancer. Nous ne sommes pas divisés. Toute sa vie durant Jean Bernabé a essayé non pas de valoriser ses idées mais de se mettre au service du peuple créole. Hector Poullet fait de même et Raphaël Confiant n'a rien fait d'autre qu'essayer de répondre à la demande sociale et culturelle.
Nou pa chiré. Nou tout ka fè menm travay la. Kouté pèp la pou tann lavwa y , tann lavwa y pou konprann sé répondè a.
A la mort du chanteur et flutiste martiniquais Eugène Mona il n'y avait pas des Martiniques dans les rues mais une seule Martinique faite de tous les répondeurs qui rendaient hommage à sa Voix. Et parmi les spectateurs créoles du film d'Euzhan Palcy où il jouait, il n'y avait pas des gens de telle île ou de telle autre mais tout un peuple unifié par une parole vraiment créole. Eugène Mona disait « Je suis un enfant du Marigot qui veut toucher à l’universel… C’est possible, non ? » Et quand je l'ai rencontré, il m'a écrit sur une pochette de disque ce qu'il devait dire souvent : "Lavi sé an bèl bagay nan lékilib èk lanmonni."
Au coeur de la tristesse et de la mélancolie, le créole a toujours su se tracer une route d'amour, d'espoir et de liberté. Je le dis en toute humilité. Je le dis avec fierté.
Wè mizè pa mò !
granpapoo
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Re: Ka Kréyòl kréyòlman yé ? ou le devoir d'humilité

Message par granpapoo »

Mais, me direz-vous, vous ne nous avez toujours pas expliqué l’essentiel, autrement dit comment l’on passe du “protocréole” au “créole proprement dit" et malgré tous vos discours nous ne savons toujours pas ce qu’est le “créole”, nous n'avons toujours pas vraiment répondu à la question"Ka kréyòl kréyòlman yé ?". Votre humilité c'est de l'incapacité à parler de ce qui est au coeur du sujet ! Vous avez raison. Mais si j’ai tardé à donner ma réponse c’est parce qu’elle est inattendue et qu'elle pourrait aisément passer pour "idéologique" et "partiale".
Rappelons-nous que le “protocréole” se situe (via les veillées mortuaires) à la synthèse des “lectes coloniaux” et du “français créole”. Rappelons-nous que les généticiens du créole se posent tous ou presque la question du “comment”. Nous avons vu, d’autre part, que les réponses données par ces chercheurs de “comment” ont toutes été invalidées. L’heure est donc venue de nous poser la “véritable question” et en fait, la véritable question à se poser n’est pas “comment” mais “” !
Cette question du " " tient à un double paradoxe :
1. Le "français créole" a pour référent le "français classique" du Royaume de France,
2. le "créole français" a pour référent le "créole émancipé" des Nègres Marrons.
Ce qu'il faut noter c'est que les deux référents linguistiques des langues coloniales sont situés à l'extérieur de la zone coloniale proprement dite (habitation + plantation).

Pou byen konprann sa fodra ou gadéwè té ni twa koté.
Frans = Wayonm Frans lan
Koloni = Tè bétjé a
Kan = kan sé mawon an
Adan péyi Frans lan moun ka palé “fransé”.
Adan Kan an moun ka palé “kréyòl (Mi lang lan rivé ! )
Adan Koloni a moun ka palé dé lang “fransé kréyòl” èk “kréyòl fransé”
Kivé di ni dé kréyòl : Kréyòl bòkay èk kréyòl fransé.

En langue française l’on pourrait parler de trois territoires :
Le Royaume = Le Royaume de France
La Colonie = L’Habitation + la Plantation
Le Maquis = La terre des Résistants (à l’Esclavage) ou Marrons
Le “français classique” est la langue du Royaume.
Le “créole” est la langue du Maquis.
La colonie est bilingue. Elle parle “français créole” et “créole français”.

Ki fèt “kréyòl fransé” té konnèt dé potomitan : Prémyé a sé kréyòl sé mawon an èk dézyenm lan sé fransé (métwopoliten) .
Nou sav tou, da kréyòl téka élivé yich bétjé, ki fèt té ni dé potomitan fransé kréyòl la : Prémyé a té fransé Frans èk dézyenm lan té kréyòl.

Ainsi, les deux langues soeurs que furent le “créole français” et le “français créole” eurent-elles toutes les deux des normes de référence extérieures à l’espace colonial proprement dit : La norme métropolitaine et la norme marronne. Le problème c’est que la lutte d’influence ne fut pas égale. L’Académie française bénéficiait du support de la Grande Littérature Française alors qu’il n’existait pas d’académie créole marronne et que la Petite Oraliture Marronne n’était pas facile à standardiser.
Ce qui est subtile c’est que le “protocréole” ne deviendra le “créole” que grâce au “créole des marrons”. Je sais que cela peut paraître incroyable mais pour bien le comprendre il suffit de se rappeler que dans les années 1950 en Martinique, par exemple, au lieu de dire le “créole” on disait encore le “patois”, (comme si le créole n’était pas une langue mais un simple langage provincial de langue française ! ) Ce qui démontre que la population ne s’autorisait pas à penser en termes de marronnage culturel.

In his song “Redemption Song” Bob Marley sings two verses that match with this reality : “Emancipate yourselves from mental slavery
None but ourselves can free our minds”
The emergence of Creole requires a new mentality, the mentality of the Maroons.

Ce qui concrètement implique que dès le départ il y eut un débat incessant entre deux créoles : le "créole de terroir"et le "créole français"(kréyòl bòkay èk kréyòl fransé) , d'où l'existence de doublons (qui venaient la plupart du temps tous les deux du français ! ) :
Pou nou byen konprann ka kréyòl yé èk ka kréyòl kréyòlman yé nou ké chwazi dé mo : “batay” èk “goumen”. Annou gadé sé dé fwaz tala :
1. Mi batay mwen.
2. Mi goumen mwen.
Sé dé fwaz la sé dé fwaz kréyòl. Men prémyé a sé kréyòl ki kolébò fransé klasik la toupannan dézyenm lan sé kréyòl ki kolébò fransé mawon an.
Sa ka fè mwen sonjé sa Rafayèl Konfyan téka kriyé "Lwa dévyans maximal la". Lwa tala ka fè nou sonjé "mawonnaj langwistik la"
3. Nou ka itilize kréyòl la anpil.
4. Nou ka sèvi kréyòl la anpil.

En fait, toutes ces phrases sont créoles mais,
les phrases 1, 3 sont “créoles françaises classiques” quand
les phrases 2, 4 sont “créoles françaises marronnes”.
Les créolophones savent que nous pourrions multiplier les exemples de ce type à l’envi. Et qu'aujourd'hui encore il serait aisé d'opposer "tranbleman tè a" et "goudougoudou a"
En conclusion, notre langue créole est née du marronnage, même si le matériau linguistique auquel elle a puisé et qu’elle a modifié, lui, émerge en pleine zone coloniale française.
D'entrée de jeu le créole est complexe parce que ses pôles référentiels sont situés hors de l'espace colonial proprement dit, qui est pourtant l'espace de vulgarisation de la créolité. Il nous faut donc faire preuve de beaucoup d'humilité pour dire cette problématique de l'extrême complexité.
Bref, cette série thématique s’arrête là, où une autre commence sur un thème complémentaire mais plus contemporain : celui de “la double palabre” ...
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Re: Ka Kréyòl kréyòlman yé ? ou le devoir d'humilité

Message par ayaanleo »

Linguists allow themselves to say that our creoles are Creole languages ​​based on French lexical or Creole languages ​​based on French or even French Creole languages. Men kimoun nou yé?
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Re: Ka Kréyòl kréyòlman yé ? ou le devoir d'humilité

Message par granpapoo »

Le linguiste américain Noam Chomsky voulant expliquer simplement ce qu’est la Grammaire Universelle convoqua un Martien et lui fit écouter toutes les langues du monde. Puis, il lui posa la question : “Que sont ces langues?”. Le Martien lui répondit que toutes ces langues n’en formaient qu’une : Certes, il y avait des phonèmes (sons de la langue) différents. Certes, les grammaires semblaient différentes mais, en réalité, il suffisait d’être un peu attentif pour se rendre compte qu’à chaque niveau d’organisation de la langue il n’y avait que quatre possibilités qui s’offraient à nous, chacune n’étant qu’une variante de la syntaxe décrite par la théorie X-barre. Nous n’expliquerons pas ici en quoi consiste cette grammaire martienne mais nous convoquerons, nous aussi, deux Martiens. Nous leur montrerons un être humain d’un mètre de haut. Et nous leur poserons la question : “Qu’est-ce que cet être humain ?”. Le premier médecin martien répondra : “C’est un être humain de petite taille.” quand l’autre médecin martien dira : “C’est un enfant qui deviendra un adulte de 2 mètres de haut !”. Alors, quelle est la vérité ? Celle du nain ou celle du
géant ?
Pour répondre à la question :
“Ka kréyòl kréyòlman yé ?” Nous allons procéder de même manière et convoquer à New York deux créolistes (autrement dit deux martiens! ). Le premier dont nous tairons le nom nous répondra : “Le créole est une langue en péril !” Le deuxième, un linguiste américain d’origine haïtienne, dont nous révélerons volontiers le nom, nous répondra : “C’est l’une des langues naturelles les plus prometteuses du monde !” Alors, quelle est la vérité ? Celle du péril ou celle du grand avenir ?
Parions sur l’avenir ! En septembre 2014, en effet, un linguiste new-yorkais nous a révélé en langue française que notre langue était le kreyòl. Il a même publié un article intitulé COMPRENDRE QUE LE KREYÒL EST UNE LANGUE NATURELLE COMME TOUTES LES LANGUES NATURELLES. Il s’appelle Hugues Saint-Fort. Relisons le titre de son article : L’auteur n’écrit pas Comprendre que le créole est une langue naturelle comme toutes les langues naturelles ou Comprendre que le créole haïtien est une langue naturelle comme toutes les langues naturelles. Il écrit : Comprendre que le kreyòl est une langue naturelle comme toutes les langues naturelles. Cela nous oblige à reformuler notre question
: Kisa kreyòl kreyòlman ye ?
granpapoo
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Re: Ka Kréyòl kréyòlman yé ? ou le devoir d'humilité

Message par granpapoo »

Kisa kreyòl kreyòlman ye ?
Nous avons vu précédemment qu’en créole haïtien “créole” se définit grâce au terme “kreyòl”. Mais, en est-il de même dans tous les pays de notre famille créole ?
Si nous consultons les dictionnaires créoles de Potomitan (notre site favori !) nous découvrons au moins deux créoles qui ne sont pas orthographiés kreyòls :
Tout d’abord, nous découvrons l'orthographe kwéyòl dans le Kwéyòl Dictionary du St. Lucia Ministry of Education, autrement dit le dictionnaire kwéyòl de l’île de Sainte Lucie.
Ensuite, nous reconnaissons l'orthographe kréol dans le Dictionnaire Kréol rényoné/français de Franswa Sintomer, autrement dit le dictionnaire kréol réunionnais.
Osons donc penser non pas “un” mais “trois” “créoles” dans notre famille de langues. Certes, nous sommes et nous resterons Karibendyens mais osons s'il vous plaît penser notre famille "trinitaire", celle :

du kreyòl
du kwéyòl et
du kréol

Si nous distinguons
d’une part le système constitué par une langue écrite et des dialectes oraux qui lui sont apparentés notamment parce qu’ils ont la même origine linguistique (par exemple l’allemand et ses dialectes) et
d’autre part le diasystème composé de langues qui ont une structuration diachronique identique et qui par conséquent se ressemblent (par exemple les langues occitanes),
nous pouvons dire que la famille des langues "créoles" issues du marronnage de la langue française possède trois diasystèmes
:
le diasystème kreyòl
le diasystème kwéyòl et
le diasystème kréol
Kivédi s ou mandé : Kisa kreyòl kreyòlman ye ? Nou ké réponn ou : “Kreyòl se yon dyasistèm anndann fanmi lang "créoles" yo” !
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Re: Ka Kréyòl kréyòlman yé ? ou le devoir d'humilité

Message par granpapoo »

Pour mieux comprendre comment le kreyòl, le kwéyòl et le kréol sont à la fois des diasystèmes de langues différentes et soeurs, observons ce qui se passe dans la péninsule ibérique :
La langue portugaise et la langue espagnole sont deux des langues qui constituent un groupe linguistique appelé langues ibéro-occidentales. Au sein de ce groupe l’on trouve des langues officielles et des dialectes qui sont des langues minoritaires, mutuellement intelligibles, moyennant qu’un effort soit consenti par leurs locuteurs. Sur le continent américain le brésilien (apparenté au portugais) et l’espagnol d’Amérique appartiennent au groupe des langues latines ou si l’on préfère langues d’Amérique latine. De plus, il existe en Espagne une langue régionale que l’on appelle le galicien et qui est plus proche du portugais que de l’espagnol (autrement dit du castillan). Les Argentins et les Brésiliens sont des Latinos et pourtant le portugais et l’espagnol sont des langues différentes et soeurs. De même les Kreyòls et le Kreols sont des Créoles même si leurs langues sont différentes et soeurs.
En fait, tous les créoles de l’Océan Indien vont se dire dans leur langue kréols ou kreols comme le prouvent les titres suivants :

diksyoner kreol morisyen, dictionary of Mauritian Creole, dictionnaire du créole mauricien
Diksyoner kreol seselwa-français-English, dictionnaire du créole seychellois
Annou bout épi sa : Kisa kreyòl kréyòlman ye ?
Dyasistèm kreyòl la se lang sè diasystèm kreol la (1. kreol Moris 2. kreol Renyon 3. kreol Rodrig 4. kreol Sesel)
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Re: Ka Kréyòl kréyòlman yé ? ou le devoir d'humilité

Message par granpapoo »

Il y a une langue dont nous n’avons pas parlé précédemment et qui fait pourtant partie des langues kreoles : le kreol de Saint Louis en Nouvelle Calédonie ou tayo. Elle a un alter ego qui est la langue de résurgence de l’Amapa au Brésil. C’est un “créole” mais est-ce un “kreyòl” ? Eh bien, notre réponse est non. Tout simplement parce que ce créole est la LV1 d’un bilinguisme dont la LV2 est...le portugais. D’ailleurs cette langue ne s’appelle pas kreyòl mais karipuna !
Profitons-en pour considérer aussi comme non-kreyòle toute langue qui n’a pas pour LV2 le français : De sorte que ni les kwéyòls de la Dominique et de Saint-lucie ni les autres kwéyòls du bilinguisme kwéyòl/ anglais ne figureront sur notre liste. Mais, me direz-vous, dans ces conditions quels sont ces autres kwéyòls ? Et notre réponse sera :

1. le kwéyòl de la Grenade (Grenada)
2. le kwéyòl de la Louisiane (Louisiana)
3. le kwéyòl de Trinité et Tobago (Trinidad and Tobago)
Ki fèt, nou kapab vire poze asou tab la, nan anfason enb, kèsyon an : Kisa kreyòl kreyòlman ye ? Nou pe reponn :
kreyòl gwadloupeyen = kreyòl de la Guadeloupe + Saint Barth + Saint Martin
kreyòl ayisyen = kreyòl d’Haïti
kreyòl madinine = kreyòl de la Martinique
kreyòl gwiyanne = kreyòl de la Guyane

Et nous pouvons même déclarée ouverte la première palabre, palab noumenm noumenm, palab NMNM, entre tous les Haïtiens, tous les Martiniquais , tous les Guadeloupéens et tous les Guyanais, palabre permanente, avec pour objectif de revitaliser le diasystème kreyòl, jusqu’à la Renaissance de la Culture Kreyòle.
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Re: Ka Kréyòl kréyòlman yé ? ou le devoir d'humilité

Message par granpapoo »

erratum : déclarer ouverte
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